L'édition du festival U-Art de cette année a donné lieu à d'incroyables œuvres d'art de formes diverses, réalisées sur différents supports, de la photographie au film en passant par la musique et les dessins de toutes sortes. De cette compétition acharnée sont sortis deux vainqueurs, dont Fatemeh Hassandoustarbokelayeh, étudiante à l'ILCF. Le travail remarquable de Fatemeh dans la réalisation de son court-métrage « Tu vois tout sauf moi » lui a valu le premier prix de la meilleure œuvre dans la catégorie des œuvres hybrides.

Fatemeh, une étudiante iranienne qui est en France et à l'ILCF depuis 8 mois, a prouvé que son travail transcende la culture et la langue, et qu'il est possible de s'y connecter.
Lisez ci-dessous son interview et plongez dans l'ingéniosité de la perception et de l'inspiration de cette artiste.

  • Pouvez-vous me parler un peu de votre projet présenté au festival U-art ? De quoi s'agit-il ?

Mon projet est à l’origine une vidéo d’environ 30 minutes, que j’avais déjà présentée en Iran.
Pour le festival U-art, j’ai adapté ce projet en une version de 5 minutes.
Il s’agit d’une vidéo que j’ai filmée moi-même, lors d’une séance où je posais comme modèle pour un cours de peinture.
De la seconde 0 jusqu’à la minute 2, chaque seconde montre un seul pixel du corps qui change, illustrant les micro-changements de personnalité que nous vivons — souvent invisibles pour les autres.
À partir de la deuxième minute, le nombre de pixels augmente progressivement. Cela symbolise le fait que lorsqu’on entame un processus de transformation, il est souvent lent et hésitant au début, mais devient ensuite plus visible et affirmé.
Pour l’observateur, ces changements soudains peuvent ressembler à une détérioration, car ils contrastent avec l’image qu’il avait de nous. Pourtant, l’image finale est beaucoup plus proche de mon vrai moi.

  • Quelle était l'inspiration derrière ?

Le projet est né de mon expérience personnelle.
Dans la vie, le changement est nécessaire pour évoluer, mais ce processus peut entraîner une perte de certaines personnes qui préfèrent rester attachées à une image figée de nous.
Dans son ouvrage L’Être et le Néant, Jean-Paul Sartre développe le concept du regard de l’autre comme un mécanisme limitant l’existence humaine.
Dès que nous sommes regardé·e·s, nous cessons d’être des sujets libres pour devenir des objets — des images construites par autrui.
Cela provoque une forme d’aliénation et fige notre identité dans un cadre rigide.
Le projet Tu vois tout sauf moi met en lumière cette tension : la personne change de l’intérieur, mais les autres continuent à voir une version ancienne d’elle.
Dans ce contexte, le regard extérieur devient une sorte de prison invisible qui empêche la reconnaissance du soi véritable.
Ce décalage entre le « soi vécu » et le « soi perçu » rejoint une question essentielle chez Sartre : sommes-nous ce que nous devenons intérieurement, ou ce que les autres veulent que nous restions ?

  • Ça vous a pris combien de temps de tout filmer et monter ?

Comme je l’ai mentionné, la vidéo a été réalisée à partir d’une séance où je posais comme modèle pour un cours de peinture. J’ai ensuite filmé pendant environ deux heures.
C’était un processus très complexe. Pour le réaliser, j’ai été accompagnée par plusieurs monteurs, et le film final est composé de 729 calques sur Adobe After Effects.

  • Vous avez gagné le premier prix du festival U-art ! Qu'avez-vous ressenti lors de votre victoire ?

J’ai été surprise, et c’était un honneur pour moi de recevoir ce prix.
Je remercie toutes les personnes qui ont soutenu le projet.
C’est motivant de voir son travail reconnu.

  • Nous allons avoir une nouvelle édition du festival U-art l'année prochaine, pouvons-nous anticiper votre participation, championne de l'édition 2024-2025 ?

Oui, ça serait avec plaisir.